A propos de la méthode traditionnelle

A PROPOS DE LA METHODE TRADITIONNELLE.

          Nous voici réunis, ici, pour une dégustation de vins pétillants. Je me propose de vous apporter quelques précisions sur ce que Michel Touzan a choisi de qualifier de « pétillants ». Ce terme porte en lui une idée « festive » ; mais concerne en fait des produits à la fois semblables et différents. Le terme exact est vin « effervescent » mais , pour moi, ce mot me fait penser à un médicament !!.Alors que cachent les dénominations ; mousseux, méthode champenoise, méthode traditionnelle, crémant et champagne. Actuellement, pour les vins mousseux, on injecte du gaz carbonique directement dans le vin. Oublions ça tout de suite !!

Je cite maintenant un paragraphe tiré d’un bouquin de 1984 :

« Le champagne aurait été connu bien avant que Don Pérignon n’entre à l’abbaye de Hauvillers (1668). Il est , semble-t-il plus sage de considérer que le premier vin mousseux est dû à une refermentation accidentelle, et que Dom Pérignon n’a pas plus inventé la prise de mousse que la flûte. Ne lui enlevons pas pour autant ses mérites , et considérons ce moine comme le père spirituel du Champagne, tant étaient grands son amour de l’oenologie, sa connaissance approfondie du vin, son esprit d’observation. Il est certain  que les soins que don Pérignon sut donner au vin permirent pour la première fois l’obtention d’un vin digne d’être   le véritable ancêtre du Champagne. » Don Pérignon » naquit en Lorraine en 1638, entre à l’abbaye en1668 et meurt en 1715.
Il faudra patienter encore de nombreuses années pour que les méthodes permettant la « prise de mousse « soient  sûres et non aléatoires comme  par le passé. Parallèlement, il faudra élaborer une bouteille qui réponde à toutes les contraintes pour parvenir au produit attendu.

Ces techniques vont être copiées dans tous les grands vignobles : Alsace, Bourgogne, Jura, Loire, Bordeaux , sans oublier les appellations spécifiques : Limoux, Die, Vouvray, Saumur ; mais aussi à l’étranger, en Espagne, au Portugal, en Italie. On finira par trouver des champagnes étrangers ! Devant ce sans gêne et le peu de rigueur de certains producteurs français, les producteurs champenois obtiendront de l’Union Européenne que  seuls les produits élaborés sur leur terroir géographique aient droit  au nom « CHAMPAGNE et METHODE CHAMPENOISE » Toutes les autres imitations seront qualifiées de « METHODE TRADITIONELLE » . Ces mêmes producteurs champenois gagneront un procès contre Yves St Laurent qui avait dénommé un de ses parfums « Champagne ». Le flacon de ce parfum avait la forme d’une barrique (toute petite!).L’image de marque du champagne était quelque peu écornée avec une barrique pour symbole.

Dans les années 50 – 60 vont apparaître des vins un peu plus élaborés sous le nom de « CREMANT ». Bien sûr, la législation va suivre et des décrets (1) instituant une A. O. C. pour ces crémants avec un cahier des charges particulières à chaque appellation . Ces décrets verront le jour dans les années 70. Pour Bordeaux, ce sera en 1990 !!.

Tant pour la méthode traditionnelle que pour les crémants des différentes appellations on utilisera toujours les cépages les plus courants de la région concernée. En région bordelaise, pour le blanc, on vinifiera du sauvignon venant essentiellement de l’entre-deux mers et pour le rosé, ce sera du merlot. Ce seront des vendanges précoces et manuelles : précoces pour avoir davantage d’acidité et moins de sucre ; Manuelles, le raisin n’étant pas totalement mûr, les baies ne se détachent pas de la rafle. Le merlot, cépage noir donne du jus blanc au pressage. Il massèrera quelques minutes et l’on obtiendra ce jus rose pale. Ces jus seront vinifiés de façon habituelle : fermentation alcoolique puis fermentation malo-lactique avec un degré autour de 10,5°
A la fin , on a le vin tranquille. Il faut passer au vin effervescent après une deuxième fermentation en bouteille . Pour ce faire, on va ajouter au vin tranquille, une « liqueur de tirage ». Ce sont tout simplement des levures et du sucre. Ce vin est aussitôt mis en bouteilles (type champenoise pour résister à la pression) qui seront capsulées (type capsules de canette de bière) Les bouteilles sont stockées à l’horizontale , le plus souvent dans des caves naturelles (anciennes carrières température : 11 à 12°) ou dans des chais climatisés à 15°. Là, le  vin va refermenter sous l’effet des levures. Le gaz carbonique dégagé va se mêler intiment au vin et avec le sucre ajouté , on obtiendra du vin autour de 12°. Les bouteilles vont ainsi »dormir » de longs mois et même de longues années. La fermentation va produire ses dépôts et des impuretés qui resteront sur le côté de la bouteille.

Pour commercialiser ces bouteilles, il est indispensable d’enlever ces impuretés. Les bouteilles étaient mises sur « pointe » ; le goulot vers le bas ; sur, des pupitres. On a tous en mémoire des images de personnes faisant tourner les bouteilles d’un quart de tour .Travail long et répétitif qui faisait descendre les impuretés le long du goulot pour se concentrer sur la capsule. Maintenant, ces opérations sont robotisées. La machine fait tourner des centaines de bouteilles en même temps sans problème de crampe ou de tendinite ! La durée de ce remuage sera plus rapide ; plusieurs tours par jour toutes les 6 heures jour et nuit. Lorsque les impuretés sont sur la capsule ; les bouteilles peuvent rester quelques temps, à la verticale, tête en bas .

Il faut maintenant procéder au dégorgement pour évacuer les impuretés de la bouteille. Autrefois, cela se faisait « à la volée » Manuellement, on ouvrait la bouteille , et sous l’effet de la pression accumulée lors de la 2ème fermentation (6 bars), les impuretés s’échappaient avec plus ou moins de liquide, ce qui ajoutait une difficulté pour la remise à niveau. Maintenant, cette opération est automatisée : La bouteille , tête en bas , passe dans un système de réfrigération rapide . Un glaçon de 3 à 4cm de long va se former juste au-dessus de la capsule,

emprisonnant toutes les impuretés . En ouvrant la bouteille , sous l’effet de la pression, le glaçon est éjecté. Le vin est maintenant propre mais la bouteille n’est pas pleine. On ajoute alors une « liqueur de dosage » . C’est une opération précise. En fonction de la dose de sucre ajoutée , le résultat final sera différent. On obtiendra du « brut » ou du « demi-sec ». En champagne, il y a 5 dosages différents. La bouteille reçoit le bouchon de liège, le « muselet » pour solidariser le bouchon et la bouteille. Ensuite, on passe à « l’habillage » : coiffe et étiquettes. Les bouteilles sont mises en caisses pour l’expédition….prêtes pour la dégustation.

Un résumé rapide de l’élaboration de la méthode champenoise qu’il faut appeler méthode traditionnelle, maintenant. Que ce soit pour la méthode traditionnelle, le crémant, le Champagne, l’élaboration est identique. Ce qui diffère et justifie des appellations différentes c’est le temps de garde en position couchée : méthode traditionnelle, 9 mois minimum.

crémant, 12 mois minimum

Champagne , 4à 5 ans.

Pour les personnes qui ont participé à la visite du Cloître des Cordeliers à St Emilion, vous avez dégusté un crémant vintage (5ans) un crémant millésimé 2015 (7 ans) On nous a bien fait remarquer la légèreté de la mousse et la finesse des bulles.

En Champagne, on trouvera des gardes  encore plus longues. (10 à 15ans) . Les grandes maisons de négoce effectue des mélanges savants des vins tranquilles pour avoir une qualité gustative semblable d’une année sur l’autre. Les producteurs particuliers doivent faire avec leur seule production d’où des résultats différents. (2)

Voilà quelques indications pour vous permettre de savoir ce que vous allez déguster.

Le 8 décembre.

D. BERNEGE.

 

          (1) Dates des décrets A.O.C. pour les Crémants :

Vouvray:1936                                   Alsace : 1976

Limoux : 1981                                   Loire : 1975

Bourgogne : 1975                            Die :1971

Saumur : 1976                                  Bordeaux : 1990.

 

          (2) Qui élabore le Champagne ; qui le commercialise ?

Sur les étiquettes de bouteilles de champagne, vous trouverez 2 lettres. Voilà leur signification/ :

R.M.: Récoltant Manipulateur.

C’est le propriétaire particulier qui ne travaille qu’avec sa propre récolte.

           N.M.: Négociant Manipulateur.

Ce sont les grandes marques de Champagne. Elles travaillent avec les raisins achetés dans les différents terroirs , vinifient, font  des mélanges savants, élaborent et commercialisent.

           R.C.: Récoltant Coopérateur.

La coopérative élabore le produit qui est vendu sous le nom du vigneron coopérateur.

C.M. : Coopérative de Manipulation.

Dans ce cas, le champagne est vendu sous le nom de la coopérative.

           S.R. : Société de Récoltants.

Même principe que pour les Négociants, mais avec des vins issus des propriétés appartenant à une même famille.

M.A. : Marque Acheteur.

Ce sont les produits vendus sous une appellation spécifique de Grande Surface.

N.D. : Négociant Distributeur.

Achète des champagnes élaborés, vendus sous le nom du Distributeur.

 

BONNES  DEGUSTATIONS.